Voici enfin la nouvelle de YumeHime (vraiment désolée pour cet énorme temps d'attente!):
La créature tomba sur le dos, et étira un cou long et fin tout en poussant son premier cri. Déployant ses ailes couvertes de placenta, elle tenta plusieurs fois, avec maladresse, de se retourner afin de se retrouver sur ses pattes. Elle y parvint enfin, s'appuyant sur les deux ailes qui lui servaient de pattes avant, et balança sa tête de gauche à droite, les yeux fermés, tentant d'humer et de découvrir l'endroit qui l'accueillait pour sa naissance.
Moi, je me tenais là, debout devant elle, le coeur battant à m'en rompre les côtes, les yeux rivés sur ce dragon qui titubait devant moi, mon bâton fermement serré contre ma poitrine.
C'est ce que l'on pouvait appeler un gros imprévu. Le bâton s'était abattu sur l'oeuf, mais au lieu de briser la coquille en milliers de morceaux, il y avait rebondit avec un bruit sourd, n'y faisant que quelques brisures, apparemment juste assez pour qu'un bébé dragon en dégringole, emportant avec lui quelques morceaux de son oeuf blanchâtre, et arrivant tout gluant sur le sol. Que faire à présent? C'est une question idiote, évidemment, je sais ce que je devrais faire, mais malgré tout ce que je croyais, et tout ce en quoi j'avais foi, je n'arrive même pas à me formuler les mots dans mon esprit. Briser un oeuf, c'est une chose, anéantir une créature vivante... Je devrais pourtant. Mais elle est sans défense, pourquoi est ce si dur d'aller jusqu'au bout des choses malgré cette facilité? Que suis je venue faire là si je n'ai même pas le courage d'aller jusqu'au bout de mon acte? Je me décide enfin à lever mon bâton, mais le dragonnet, toujours à son inspection, se fige et recourbe en arrière son cou, comme si il avait senti le danger.
Je sens mes mains trembler, et les battements de mon coeur redoublent d'intensité. Le dragonnet, immobile, pousse un petit cri aigu et rauque, entre la demande et l'avertissement. Mes poumons se vident d'un coup dans un profond soupir. Je passe une main sur mes paupières tremblantes et laisse tomber à terre le bâton, acceptant avec soulagement que je n'aurais définitivement pas la force de le faire... Effrayé par le bruit, le bébé dragon, toujours aveugle, se campe sur ses ailes-pattes et en tendant son cou en avant, jette un nouveau cri de peur et de défi. Je m'agenouille et m'approche doucement vers lui, pourtant consciente du non-sens de mon acte, je lui tends doucement ma main, en espérant ne pas l'effrayer. Il baisse rapidement la tête, méfiant, et ses narines se dilatent alors qu'il essaie d'identifier mon odeur. Je précipite mon geste et le regrette un peu. Il est couvert de nombreuses écailles rugueuses dont le contact me froisse. Comme choqué lui aussi, il ouvre en grand ses yeux reptiliens et après quelques clignements, me regarde fixement, sans plus aucune crainte à présent. Me prend il pour sa mère? Je n'en ai pas l'impression. Peut être est ce simplement la curiosité d'un nouveau né ? Pourtant, il ne ressemble déjà plus à la créature sans défense de l'instant précédent. Il me regarde, avec ses yeux d'un étonnant turquoise translucide, marqué de bleu foncé et d'une pupille verticale, tout son corps est recouvert d'écailles d'un argenté éclatant, presque blanc, elles ont l'aspect de copeaux de métal. Sa queue ressemble à celle d'un lézard, longue et s'affinant vers l'extrémité, il a de solides pattes arrière, aux cuisses déjà épaisses et musclées. Ses pattes avant, si l'on peut les qualifier ainsi, sont deux ailes repliées vers l'avant, recouvertes d'une membrane de peau transparente, d'une teinte plus claire que le reste de son corps. Au bout de son long cou se trouve une tête au museau fin et arrondi, rappelant celui d'un renard. Étrange chez un dragon, deux oreilles effilées de taille moyenne se trouvent à l'arrière de sa tête, et juste en dessous de celles ci apparaissent deux larges cornes à anneaux, suivies d'une ribambelles de pics de plus en plus petits qui s'étendent jusqu'au milieu de son échine.
"_ Dragon ou pas, à ton âge on ne mange pas encore de chair, n'est ce pas?"
Et alors que mes yeux se fixent sur sa petite gueule remplie de dents blanches et pointues, j'essaie de le comprendre, d'en garder quelque chose. Il vient à peine de naître, mais dès lors qu'il a ouvert les yeux, toute crainte a semblé disparaître en lui. Pourtant, il ne m'a pas l'air hostile, il semble juste à peine curieux, comme si malgré notre différence, je n'étais pas un être si digne d'intérêt que cela. Le voilà d'ailleurs qui se détourne et qui semble entreprendre une exploration de la grotte.
"_ Je voudrais bien que nous fassions plus ample connaissance, mais vois-tu, je n'aimerais pas être là quand ta mère rentrera... Enfin, si elle doit rentrer."
En guise d'adieu, le dragonnet éternue sur la toile d'araignée dans laquelle il venait de fourrer ses narines. Je jette un dernier coup d'oeil à cette petite chose que je n'ai pas eu le courage de tuer. Peut être un jour s'opposera t-il à des humains ? Ce jour je l'imagine s'avancer vers eux la gueule ouverte, l'air menaçant et, les considérant comme des proies, refermer sur eux ses crocs jaunis par de longues années de chasse. Peut être, certainement. Si un jour on apprend que j'ai laissé en vie cette bête alors qu'elle était à ma merci, je ne donne pas cher de moi... Et que dire du déshonneur de ma famille? Pourtant, je sais et je sens que quelque chose en moi ne me pardonnerait jamais le meurtre de cette chose... Si cela est le prix de ma bonne conscience. Après tout, le temps que ce dragon arrive à maturité, je ne serais certainement plus de ce monde, alors, pourquoi se poser tant de questions?
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